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Je joue avec les lettres, avec les mots. Bienvenue dans mon univers !

Sur les lignes de l'amer ( partie 2 )

J'ai fait le serment d'accomplir mon devoir de navigateur avec courage et fierté.

J'observe avec insistance tout mon équipage, ces hommes d'une bonté extrême, pour qui le bateau est leur « chez soi », mon équipage, ma famille.

J'ai vogué sur des mers hostiles, sur des océans infatigables peuplées de sirènes indésirables, de moments uniques par delà les marées montantes.

La lueur du petit jour fit son apparition en ce lundi de septembre, l'automne arrivant à grand pas, le temps des douces pluies et du temps passant au abord de l'hiver.

Je ne pouvais m'empêcher de penser à mon enfance, ces instants où l'on se demande, où l'on se pose d'étranges questions sur la mer, sur les pirates, où l'on se prend à rêver d'aventures extraordinaires. Combattre Moby Dick et croiser le capitaine Némo au large des Bermudes.

Et mon équipage naviguait avec aisance, flirtant avec les alizés.

Je ne les voyais plus, le brouillard en piste sur le pont, seulement des cris, des hurlements, des indices inquiétants.

Le bois grinçant sous les fortes vagues, les oiseaux de mer silencieux, les sternes ailes déployées à la recherche d'une direction à prendre.

Quelques unes d'entre elles s'écrasent lourdement sur le sol sans un cri, mes hommes abrutis certainement par la situation ne disent mots.

Un silence pesant règne sur les flots, mon âme vide de tout sens, stoïque, apathique, fleurant la solitude, la folie.

Elle me prenait à nouveau à bras le corps, cette douce folie ; elle me fatiguait en tous sens, m'arrachant les tripes, me versant des larmes de turpitude. J'en étais atteint, mes bras fermés sur mon ventre, mon sourire ne faisant plus.

Je n'étais plus vraiment là, mon âme repliée en moi, au bord du précipice.

Le brouillard n'en finissait pas, j'étais seul, si seul.

Sur les lignes de l'amer, je naviguais entre deux eaux, mon équipage à ma merci, mon âme distordue.

Ma faiblesse est de mise, la folie m'entraîne vers les plus hauts sommets. Je ne sais même plus sur quelle mer je navigue.

Je suis allé sur les Bermudes, ai franchi le détroit de Gibraltar, ai combattu les vents d'Ouessant et parcouru des miles et des miles sans me douter de ce qu'il adviendrait de moi.

La pluie fine ridait l'océan dans une danse endiablée, les sternes semblant vouloir nettoyer le ciel du bout de leurs ailes.

Sous le brouillard, la floraison de nuages sembla adoucir le ciel, le brouillard doucement se dissipa.

Me voici devant un spectacle ahurissant, mes mains tremblotantes, mes jambes flageolantes.

Devant moi se tenait mon équipage, où du moins, ce qu'il en restait.

Paco ne me regardait plus, son regard n'était plus, rien que des orbites vides de tout sentiments.

Tout avait disparu, cet être fait de chair et d'os était dorénavant un être tout de blanc vêtu, un squelette, j'avais devant moi un squelette, des squelettes même, tout mon équipage se trouvait transformé. Paco avait perdu tout ce qui faisait de lui un homme d'exception, sa boucle d'oreille d'or gisait au sol accompagné de tous ses breloques d'un pirate en goguette.

Les autres membres d'équipage, debout comme attendant le fossoyeur, attendant d'être exhumé dans la terre blanche de leurs origines.

Je restais sans voie, sans raison aucune.

Mon heure n'était pas encore venue, devant cette scène, sous ce ciel maintenant dégagé, les oiseaux reprenant leur inévitables piaillements comme au lever d'un nouveau jour.

Le soleil régnait à nouveau en maître, les eaux d'un calme olympien ; je naviguais dans les Bermudes, j'en étais à ce moment persuadé. Je connais depuis ces décennies toutes les mers du globe et en un instant rien ne peut m'échapper.

Mon regard ne pouvait échapper à cette scène horrible, j'étais à la tête d'une armée de squelettes.

Je reconnais même le petit Edwin, mon petit mousse, courbé à son travail, lui aussi un véritable squelette. Que devrais je dire à ses parents ?

Le navire avançait malgré tout, comme attiré vers ce qui devrais être son lieu de résidence.

Nous étions à quelques lieux d'une île, un îlot de verdure en plein cœur de cet océan, pacifique ou atlantique, je commençais à douter de l'endroit où nous nous trouvions.

Je suis un capitaine au long cours, aussi vieux que son bateau, aussi rouillé que son cargo.

Je vis, je survis au grès des vents ou des aventures hors du commun.

Sur les lignes de l'amer, je rejoindrais mes plus illustres aînés, les navigateurs de toutes branches, le pirates, les corsaires, ou autres flibustiers.

Je pleure maintenant sur ce présent malheureux, cette détresse qui m'habite. Même le ciel semblait être de mon coté, des nuages noirs s'amoncelant juste au dessus du bateau.

La partie semblait perdu maintenant, je devrais vivre avec cet échec.

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A
Trop beau Vincent, merci pour la lecture.
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V
Merci beaucoup Alain de me lire et de me suivre ;)