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Je joue avec les lettres, avec les mots. Bienvenue dans mon univers !

Ouzbek me voilà ! partie 10

 

 

La nuit avait été bien paisible, solitaire ensommeillé, une pluie de rêves colorés, émaillés d'oiseaux rouges flamboyants, des imprévisibles Osmorre, des oiseaux de toute beauté, une beauté carnassière, mais un régal que de les voir prendre leur envol.

La voix caverneuse d'Islom au réveil me fit sursauter, une voix semblant provenir des tréfonds de l'âme, tel un monstre fantasmagorique.

Tout le monde semblait avoir bien dormi, à part la petite Raya, qui semble t-il avait eu un cauchemar.

Notre présence, j'espère n'ayant aucune influence sur ce sommeil encombré.

 

Une vielle odeur de tabac froid parvint jusqu'à mes narines, une cigarette mal roulé avec un tabac malodorant, de quoi vous remuer l'estomac de bon matin. Islom fumait dehors mais le vent froid d' extrême orient ramena la fumée vers l'intérieur.

Il ne pouvait se lever sans sa drogue matinale, ce qui quelquefois m'exaspérait. Une odeur insupportable ; mais mon compagnon était trop précieux pour se laisser aller à une quelconque bousculade.

Piotr, quant à lui, était déjà levé depuis l'aube ; il était parti se promener dans les rues animées de Tachkent. Sous le caquètement des volailles se disputaient quelques marchands, gesticulant au fil du regard désappointé des chalands. Peut-être une manière comme une autre de se faire de la publicité, ils attirent du monde qui assistent à leur embrouille, et ça fait marcher le commerce qui sait ?

 

Pïotr était un homme curieux, passionné par l'architecture de ces pays, cette magnificence colorée d'un univers magique. Samarcande, Boukhara ou même Khiva, royaumes de l'architecture colorée, une plongée au cœur de cette splendeur orientale.

 

J'aime cet homme, j'aime ces gens d'un horizon différent du mien, je découvre parmi eux pleins de de délices, le sourire allant de pair avec leur visage enrichissant. J'apprenais tout d'eux et de moi par la même occasion. Ma famille me manquait certes, mais j'avais une autre famille à disposition, Piotr Islom et ces chers Ouzbeks. J'en oublierais presque ma mission, mais qu'importe j'avais le temps et j'étais prêt à le prendre, foi d'aventurier.

Les larmes aux yeux, je gardais en mémoire les derniers mots de ma fille avant mon départ et les yeux embués de ma femme et les même larmes regardaient mes compères le sourire aux lèvres, et cette incorrigible odeur pestilentielle de ce tabac venant d'on ne sait ou.

Je pourrais en écrire des lignes et des lignes sur cette aventure finalement humaine en deçà de ma mission zoologique.

 

J'entendais toujours les cris aigus de ces marchands, se disputant allègrement quelques clients étrangers, et même leurs épouses s'y mêlaient. Typiquement orientale cette façon d'attirer le client tout en se disputant avec son cher voisin d'étal. Il y avait des marchands des quatre saisons, des légumes qui chez nous en France auraient passés pour des choses bizarres, des formes et couleurs différentes de nos pommes de terre et autres légumineuses. J'observais ces étalages faits de bric et de broc, quelques tubes de métal soutenant de vieilles planches de bois sur lesquelles trônaient des vases et autres pichets travaillés à la main. A ses côtés, un marchands de volailles, de poules, de canards et d'oies imbriqués dans des cages tels des boites de conserves dans un meubles, peu de places pour respirer mais qu'importe, l'important était de vendre et non de s'occuper de leur bien-être. J'étais écoeuré par ces comportements, moi le protecteur de la faune et la flore. C'était des manières archaïques, mais trop classiques à mon goût.

Fouillant au fond d'une de mes poches, j'en sortis une pièce d'un rouble et j'achetais deux canards qui avaient du être jolis dans une vie antérieure. Des corps décharnés, des plumes manquantes à la base du cou, les pauvres bêtes souffraient le martyr au fond de cette cage en bambou. Ils n'avaient plus rien de l'oiseau majestueux qu'est la sarcelle d'hiver, on ne voyait même plus la couleur à la base de l'oeil, un oiseau devenu méconnaissable.

J'avais choisi ces deux oiseaux, laissant leur congénères à leur auguste destin, cela permettrait aux autres d'être moins serré dans leur prison.

Je laisserais mes deux oiseaux chez Tohirbek, un petit amusement pour les enfants, reste à savoir ce que notre ami ouzbek en ferait.

 

L'avenir commençait à poindre son nez, quand je vis revenir vers moi Piotr, de retour de sa ballade matinale. Il avait les yeux d'un enfant qui découvre les joies de la vie. J'aimais profondément cet homme, un aventurier mais aussi un poète à ses heures perdues. Son regard tendre sous cette apparente de « brute épaisse » nous cachait une sensibilité. C'est ça que j'aimais chez lui, tout simplement.

J'avais autour de moi, une famille, des frères même, qui jamais ne me trahiraient.

Une bonne tape sur l'épaule et tous deux, nous rejoignirent la yourte de Tohirbek, moi avec mes canards en bout de bras sous les quolibets moqueurs de mon ami.

J'avais laissé Islom et la famille de Tohirbek, pour profiter de la fraîcheur du matin et nous revenions, Piotr, d'ailleurs avait les bras chargé de victuailles pour le repas de midi.

 

Nous devions reprendre la route dès demain finalement, pour arriver à mon lieu de destination que seul Piotr connaissait. A vrai dire j'avais une vague idée de notre route, Pampultar ou qui sait peut-être un cadeau surprise d'une terre inconnue ou oubliée par ces hommes honteux de leurs paysages au point d'en voler d'autres.

Le désert de Kyzylkum nous attendait, Piotr savait plus que tout et nous cachait tel un secret, ce voyage du lundi.

 

En rentrant chez Tohirbek, les enfants nous firent une fête, heureux qu'ils étaient de partager le repas du midi avec nous.

Shalo nous avait concocté un repas digne de ce nom. Och, quel nom étrange pour le plat national Ouzbek , un ragoût de mouton agrémenté de riz, d'ail, de raisins et de pois chiches. Un véritable repas de fête. Une odeur, une odeur qui nous caressait les papilles gustatives, un plaisir tout simplement. Etait ce notre cadeau d'adieu ? j'en étais convaincu, les sourires de nos hôtes nous laisseraient un souvenir agréable. J'attendrais la fin de ce déjeuner pour croquer de mon fusain, les traits souriants de nos amis, les regards attendrissants des enfants.

L'après midi serait consacré à la préparation du trajet.

 

Il fallait se mettre à réfléchir à notre parcours, partir dès le lendemain au lever du soleil, à la fraîcheur du matin. En ce mois de juillet, les températures pouvaient avoisiner les 35°C et il était préférable de voyager aux premières heures du matin.

 

J'avais trouvé amusant d'apprendre à dessiner à Raya, lui apprendre les bases du dessin au crayon.

Elle avait envie de jouer avec les couleurs, découvrir un monde différent du sien, et par là même un art méconnu dans sa famille. Raya avait l'âge, cet âge qui rend les choses amusantes, une facilité déconcertante à apprendre même les choses qui nous paraissent complexes.

On commença par dessiner les contours du Campilisses, un papillon magistral rencontré dans ces contrées. Elle était assise à mes cotés et tout comme moi, tenait ses feuilles sur ses genoux concentrée sur le modèle à copier. Une vraie pro. Elle garderait son croquis, en souvenir de notre rencontre.

Jolie petite fille Ouzbek, pendant qu'elle dessinait, je la croquais à mon tour, ses yeux noirs sur ma feuille de papier, ses cheveux bouclés cheminant sous le trait de mon crayon de papier, moi aussi j'aurais mon souvenir.

Elle riait, riait fière de son premier dessin, Tohirbek et Shalo, les yeux embués de larme, éprouvaient aussi une certaine fierté.

 

Un souvenir mémorable !

Une pureté d'enfance comme on aime découvrir, peu importe le lieu, des continents asiatiques aux frontières de l'Afrique orientale, en parcourant les deux pôles. La pureté du regard d'un enfant n'avait pas de frontières ; rien de tout cela, prenons exemple sur eux.

 

 

Islom me regarda impatient de pouvoir enfin se pencher sur la route, de pouvoir enfin mettre les deux pieds sur ce chemin inconnu, vers les prémisses d'une nouvelle aventure. Adieu Samarcande, et le désert de Kyzylkum, me reviendrait de toute grâce, de toute bonté. Me laisser envahir par des émotions d'explorateurs, les frissons me parcourant tout le corps, un frisson d'émotion ou même d'excitation sans aucune mesure.

 

J'avais découvert ce magnifique lieu dans un magnifique ouvrage m'ayant été offert lors de ma première communion. 300 pages magiques et ondulantes sous les mains d'un enfant curieux.

Un vrai régal pour moi, me faire dévorer par les pages, traversant les ombres des chênes millénaires, ouvrant la porte à des mondes différents du mien.

 

 

J'ai parcouru tant de chemins, dévoré tant de kilomètres ; j'ai essuyé tant d'échecs, abandonné tant de latitudes et de longitudes éprouvantes ; les marches m'ont quelquefois affaibli mais je n'ai jamais laissé quiconque m'impressionner par un négativisme accru. J'ai quelquefois dompté le temps pour éviter qu'il ne me noie, échapper à des attentats météorologiques, mais qu'importe je suis comme le roseau qui plie mais ne rompt pas. Les amis sont là pour nous protéger voire pour nous aider, et c'est ainsi qu' Islom est rentré dans ma vie ; si je puis dire ; et de là est né une puissante amitié.

 

Islom est d'une simplicité remarquable, un taiseux aussi. Il connaît beaucoup de choses, un puits de science, rien ne lui échappe.

Je l'ai croisé un matin du 25 décembre 1954,( serait ce un cadeau du ciel que cette rencontre ?), sur une oasis en plein cœur du désert de Gobi.

La solitude était sa seule compagne, occupé qu'il était à errer parmi les températures caniculaires de cet endroit peu connu de tous

 

Voilà comment cette histoire à débuté, loin de murmure incessant de la vie parisienne, dans la solitude d'un désert par bien des égards, inconnu du grand public.

Islom est comme mon frère, une partie de moi, mon double. D'un seul regard, il me comprend ; un brin philosophe, il me donne les meilleurs conseils.

 

 

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